Interview de Fabien Potencier « PHP 7 est à la hauteur de ce que j’attendais » par le JDN

Interview de Fabien Potencier par Antoine Crochet-Damais, journaliste au JDN, publiée sur le site du JDN.

Le créateur du framework PHP Symfony est très satisfait des dernières évolutions du langage PHP. Fabien Potencier envisage aussi une levée de fonds aux Etats-Unis.

JDN. Face au projet HHVM initié par Facebook, considérez-vous que la réponse du projet PHP, avec PHP 7, soit à la hauteur ?

Fabien Potencier est le PDG de SensioLabs.

Fabien Potencier. La réponse est à la hauteur. Les responsables de Zend ont pris la mesure du problème que HHVM pouvait poser. C’est dans cette optique qu’ils ont initié la branche phpng, qui a été ensuite intégrée à PHP 7. Depuis fin 2014, nous avons cessé de voir des projets basculés sous HHVM. Zend a fait un lobbying important pour accélérer le projet PHP 7, et y a mis les moyens. Les utilisateurs ont compris que PHP 7 allait sortir rapidement, et qu’opter pour HHVM pouvait dès lors se révéler moins pertinent.

Que pensez-vous des avancées de PHP 7 en termes de fonctionnalités ?

Au-delà de l’apport en performance, la différence entre PHP 5.6 et PHP 7 est finalement relativement faible en termes de fonctionnalités. Les montées de version pourront donc se faire assez facilement. Le saut était beaucoup plus important entre PHP 5.2 et PHP 5.3, avec des conséquences plus profondes sur les applications. Comme c’est surtout le noyau de PHP qui a évolué avec PHP 7, il y a en revanche un impact sur les extensions du langage. Elles doivent être réécrites pour être compatibles avec la nouvelle version. La plupart sont déjà passées par cette phase de réécriture, mais il en manque encore quelques-unes. C’est le cas d’AMQP [pour Advanced Message Queuing Protocol NDLR].

Le rachat de Zend, qui demeure un acteur clé du projet PHP, par Rogue Wave Software pourrait-il avoir un impact sur l’évolution de PHP ?

Je ne pense pas que cela change grand-chose car le projet PHP est très largement communautaire. Zend fait partie des contributeurs, mais c’est loin d’être le seul. Il n’y a par conséquent pas de menace sur la pérennité du projet. Andi Gutmans et Zeev Suraski ayant vendu leur activité, ils devraient passer à autre chose dans les années qui viennent. Je pense que c’est peut-être le bon moment pour encore améliorer la gouvernance communautaire du projet. Il me semble en tous cas difficile qu’une autre société reprenne la gouvernance du projet.

Le développement de Symfony 3 est en cours. Quels sont les principaux apports de cette nouvelle version ?

« Symfony fête ses 10 ans cette année. Il est utilisé par un nombre croissant de projets PHP »

Il n’y a pas de grande évolution fonctionnelle comme cela avait pu être le cas avec Symfony 2. Avec Symfony 3, environ 10% du code a été mis à la poubelle.  Cette part de code correspond à la couche de compatibilité qui permettait jusqu’ici de gérer les migrations d’une version à l’autre. C’est là le principal changement de cette nouvelle version qui se veut par conséquent plus légère. Pour faciliter le passage à Symfony 3, les fonctions dépréciées vont être indiquées via des messages de logs dans Symfony 2.8. Si vous ne voyez plus apparaitre de tels messages portant sur des fonctions obsolètes, cela veut dire que vous êtes prêt pour Symfony 3.

L’aura de Symfony dans l’écosystème open source continue-t-il de progresser ?

Symfony fête ses 10 ans cette année. Nous avons publié le code du framework le 15 octobre 2005. Ce qui a changé depuis ? C’est que le framework est utilisé par un nombre croissant de grands projets open source. Drupal 8 repose sur Symfony, mais aussi EZ Publish, Laravel, ou phpBB. PrestaShop a plus récemment annoncé basculer sous Symfony. Au total, plus de 50 projets open source importants ont choisi Symfony comme socle [voire la liste sur le site du projet NDRL]. Ce large mouvement de l’écosystème des infrastructures PHP en faveur de Symfony nous donne une responsabilité plus grande vis-à-vis de la gestion de la compatibilité du framework.

Symfony est-il compatible avec PHP 7 ?

C’est le cas. En revanche, il faudra attendre encore deux à trois ans avant que le nouveau mode de typage de PHP 7 soit utilisable avec Symfony.

Comment Symfony peut-il s’intégrer à une architecture en micro-services containérisés ?

Symfony 2 a été créé pour ça. Il est orienté HTTP pour pouvoir gérer notamment ce type d’architecture. Le framework Silex [que Sensiolabs a développé NDLR] qui repose sur des composants de Symfony a également été taillé pour supporter des architectures de micro-services.

Comment évolue Blackfire, votre activité SaaS orientée développeur ?

« Notre offre SaaS de gestion de la performance prend maintenant en charge d’autres langages que PHP »

Notre activité se décline en deux : une offre de prestation de services, basée sur la société SensioLabs et ses 100 salariés et 60 partenaires, et l’offre SaaS Blackfire centrée, elle, sur la gestion de la performance Web. Avec Blackfire, nous avons débuté avec PHP. Mais nous commençons à prendre en charge la supervision d’autres types d’application. Une déclinaison de Blackfire pour Python est en bêta, et le support d’autres langages de script serveur devrait arriver plus tard. Avec Blackfire, nous partons du constat que les outils open source existants dans ce domaine proposent des interfaces graphiques assez légères et sont souvent peu maintenus. Avec Blackfire, nous souhaitons proposer une application simple à installer, à prendre en main et à utiliser. Les premiers retours d’expérience sur Blackfire montrent que notre approche peut engendrer des performances en progression de 30% à 50%. L’une de nos références dans ce domaine n’est autre que CCM Benchmark [qui est l’éditeur du JDN NDLR].

Alors que SensioLabs est concentré sur l’Europe, et présent en France, Allemagne et Angleterre, Blackfire du fait de son modèle SaaS a une présence mondiale. Il est utilisé en Europe, en Amérique du Nord, en Asie et en Australie.

Symfony a-t-il été intégré par des plateformes de cloud (PaaS) ?

Le framework fait l’objet d’un portage spécifique sur Heroku de Salesforce et platform.sh du Français Commerce Guys. Nous travaillons aussi avec eux sur une intégration des services Blackfire à leur plateforme. Soit dit en passant, l’approche promue à travers platform.sh est très séduisante. Selon  moi, c’est un peu la killer application. Elle permet de bénéficier d’une plateforme de production intégrée au workflow de développement et de déploiement.

Nous avons entendu dire que vous deviez partir aux Etats-Unis. Est-ce pour lever des fonds là-bas ? Vous pourriez faire partie des rares entreprises françaises de technologie à pouvoir potentiellement réaliser une levée de fonds de plus de 10 millions d’euros…

« Nous cherchons à lever des fonds aux Etats-Unis »

Nous avons été sélectionnés par BPI France pour participer à Ubi i/o. Il s’agit d’un programme d’accélération qui, pendant deux mois, permet de rencontrer des VC et des partenaires et clients potentiels dans la Silicon Valley. Notre objectif est de profiter de cette occasion pour lever des fonds aux Etats-Unis où le marché est plus mature sur le terrain du SaaS. Il est plus facile d’y vendre ce type de solutions, SaaS, à de grands clients qu’ailleurs.

Interview reprise du site du JDN, disponible en ligne.